René Caillé, au sujet de cet homme, nous savons très peu de chose. On sait qu’il était français, qu’il avait une passion, découvrir. Quitte à se déguiser, à braver le désert, et vivre à des années lumières des siens, se retrouver alors avec une plaie béante et une mâchoire pendante parmi les bambaras et les malinkés au nord de la cote d’ivoire de 1827 à 1828.
Caillié, c’est la vie d’un gamin d’une modeste famille. La mère avait souhaité se consacrer pleinement à l’éducation de son fils lorsque le père ivre qui venait de commettre un délit s’est retrouvé au bagne. Il n’aura d’ailleurs pas le temps de bien connaitre ses géniteurs car tous deux mourront alors qu’il n’avait pas 16 ans. La grande mère tentera alors de lui faire oublier le chagrin de l’orphelin en l’amenant auprès d’elle. Peine perdu, le garçon a déjà la tête à ses passions : le voyage, la conquête de l’inconnu.
Après avoir échoué une première fois de partir à 18 ans, il embarque 9 ans plus tard pour de bon, objectif, rejoindre Tombouctou, la ville dont les explorateurs parlaient avec passion et envie. Beaucoup de provisions, un peu de maquillage, l’apprentissage de l’arabe, initiation aux rites des musulmans, sans pour autant en être un, il décidera alors de ne répondre que d’une manière à tous ceux qui lui demanderont qui était : « je suis un jeune Egyptien désireux de regagner son pays ». Cette stratégie était d’autant plus juste que si les nègres islamisés le savaient chrétien, Adieu les rêves.
Dans l’objectif de rejoindre d’abord Kankan en Guinée, il s’associe à une caravane composée de trois mandingues, deux esclaves et quelques porteurs. Ils quitteront Boké le 19 avril 1827. Après avoir traversé Baléya, le fleuve Djoliba, Kouroussa, la rivière d’Yendan, il entre à Kankan le 17 juin 1827. L’après-midi de son arrivée, lorsqu’il fut présenté comme étant un Cherifou (descendant de la famille du prophète), la cour de son hôte fut envahie par une bonne partie de la population de la ville, venue chercher bénédiction auprès de « l’usurpateur ». Il consignera dans ses carnets de voyage une description de la région, les mœurs et us des habitants, et prendra le 16 juillet la direction du Ouassoulou.
Son guide précédent l’avait confié à des inconnus. Le risque ayant été pris, il ne lui restait qu’à se laisser emporter dans les bras de l’inconnu, du néant, de l’étrange. Ses pérégrinations le conduiront ensuite dans le pays de Kissi, Sansanding, puis le Fladougou. Il y fit une halte et plus par curiosité pour son teint que par charité, les populations lui offrirent un excellent soupé. Assis autour de Caillié et ses compagnons de voyages, ils l’admirèrent tout en prenant soins de le toucher pour connaitre la sensation que cela pouvait procurer. Pour accentuer leur curiosité, il sortit son parapluie. Les foulah s’attroupèrent alors autour de lui. « Ils ne pouvaient comprendre comment pouvait-on ouvrir et fermer ce machin à volonté, ceux qui avaient vu couraient avertir leur voisin. » le Ouassoulou était peuplé en majorité de peulh idolâtres. Ils sont moins cultivateurs et plus pasteurs. Le 23 juillet 1827, il quitte la région du Ouassoulou, direction Samatiguila. L’essentiel du trajet se fit dans la direction Sud-est pour se retrouver à Banankodo, un village du pays Folon ombragé de toute part par des bombax (fromagers), continuant la suite du trajet dans la boue, Caillé et son guide arrivèrent quelques minutes plus tard dans le campement de Yonmouso…
Après environ trois jours de marches, ponctués par quelques haltes, la caravane dans laquelle se trouvait Caillié arriva en pays Folon à Minignan, un village bambara (selon Caillié, sa case s’y trouve toujours) pouvant contenir 900 âmes. Ces populations avaient les mêmes vêtements que les peulhs du Ouassoulou et étaient « aussi sales qu’eux ». Il ira se reposer à Banankoro, un fromager situé à l’entrée du village. Plusieurs vieillards vinrent se regrouper autour de lui…
Les nègres de Minignan ont un teint presque semblable à celui des Foulahs du Ouassoulou, il en est de même pour leur tenue vestimentaire et degré de saleté, ils étaient cependant plus humains et plus doux que certains peuples rencontrés précédemment. Ils parlent tous le mandingue, et n’ont laissé transparaitre la pratique d’aucun culte religieux. Ils ne pouvaient se lasser de regarder l’explorateurs car ils n’hésitaient pas à affirmer que c’était leur première fois de voir un homme aussi blanc.
Le 26 juillet 1827, il fit cadeau à son hôte et quitta Minignan qui à cette époque était entouré d’une muraille de protection. Une foule de curieux l’accompagnèrent pendant 30mn. Ils passèrent par Nougouda, en allant au sud-ouest pour se retrouver dans le hameau de Tangouroman. Caillié n’eut pas le temps d’inscrire une description de la localité car son guide tenaient coute que coute à passer la nuit dans son pays. C’est ainsi qu’ils arrivèrent le lendemain à 9 heures dans un village doté de deux murailles, son nom Samatiguila. Ils allèrent directement chez l’imam qui les attendait depuis trois jours. Quand l’imam vit Caillié, « il le toucha, porta la main sur sa figure et sur sa poitrine ». Il exprima toute sa joie de recevoir chez lui un arabe en la personne de Caillié. Lors de la rencontre avec René Caillé, l’imam de Samatiguila était habillé comme un arabe et ses vêtements étaient de la plus grande propreté.
Le soir, sous une forte pluie, il se rendit à la mosquée, ce qui enchanta beaucoup les habitants du village. Le 30 juillet, une caravane de Sarakolé marchands d’esclaves arriva à Samatiguila. Ils avaient des esclaves acheté dans le Folon. « Samatiguila est beaucoup plus grand que Kankan mais très peu peuplé. Il est habité par des mandingues 100% musulmans. Ils n’ont d’activité que le commerce de colas qu’ils revendent à Djénné et troquent contre du sel. Le « ché » (karité) et le néré poussent partout. Samatiguila n’a pas de marché, le prix d’un esclave à samatiguila est de 30 briques de sel. Il pouvait aussi s’échanger contre un baril de poudre,8 masses de verroterie, ou un fusil.
Depuis son arrivée à Samatiguila, il n’avait cessé de pleuvoir. La fatigue, la pluie et les séquelles de toutes ces marches firent une plaie qui se développait au niveau de son pied gauche. Le 1er aout, sous une forte pluie, l’imam informa Caillié qu’il y aurait une opportunité de rejoindre Djenné, en passant par Tiémé d’où une caravane était en préparation. Par conséquent, il devait être sur le qui-vive. Le 2 aout 1827, René Caillié et son nouveau guide nommé Baba quittent Samatiguila pour Tiemé. Une douleur d’enfer de 5 mois de maladies l’attendait dans Tiémé, c’est alors qu’une magicienne du nom de Madion Bakayoko, en bonne samaritaine rentrera en action. Nous en parlerons demain